La Fondation Azrieli vient de publier deux nouveaux mémoires : Escape from the Edge, de Morris Schnitzer, et In Dreams Together: The Diary of Leslie Fazekas.
La vie de l’adolescent Morris Schnitzer est caractérisée par des échappées belles et des décisions audacieuses. Fuyant l’Allemagne d’Hitler avant le début de la Seconde Guerre mondiale, Morris se retrouve aux Pays-Bas, un pays qui est bientôt envahi par les nazis. Déterminé à lutter de toutes ses forces pour survivre, Morris est animé par les conseils de son père : éviter de finir dans un camp de concentration. En quête d’un lieu sûr en Europe occidentale, le jeune homme franchit les frontières sous de fausses identités, refusant de céder à l’occupant nazi. Au cours de sa fuite épique, Morris est fait prisonnier et contraint à des tâches éreintantes dans une ferme. Il rejoint par la suite la résistance belge puis s’engage dans l’armée américaine, jurant de venger tout ce qu’il a perdu.
Extrait d’Escape from the Edge
En 1941, dans la ville de Franeker, aux Pays-Bas, j’ai perdu ma véritable identité lorsque j’ai fui la Gestapo. Environ cinq ans plus tard, dans la même ville, je l’ai retrouvée.
Il est difficile d’expliquer l’effet que cela fait de vivre sous une fausse identité. Lorsque j’ai changé de nom, je savais qu’il me fallait dissimuler plusieurs aspects de ma personnalité. D’une certaine façon, je devais cesser d’être le type de personne que j’avais été jusqu’alors. Pour y arriver, j’ai censuré tout ce que je disais et faisais; je me contrôlais à chaque instant. Je marmonnais ou ne disais rien, de manière à ne pas trop révéler de mon identité. Cela pouvait être très difficile par moments, car les gens tendent à assimiler le silence à un manque d’amabilité, et peuvent en éprouver du ressentiment.
Avec mes fausses identités, je ne me sentais plus Allemand. Je ne pouvais pas révéler mes connaissances de l’Allemagne, ni ma relation personnelle avec ce pays. J’avais le sentiment d’être coupé de la personne que j’avais été. Il fallait que je gagne ma croûte à la sueur de mon front, aux échelons les plus bas de la société. Tout comme un acteur, je devais jouer un rôle; le mien était de sembler terne et grossier, dépourvu d’éducation et de raffinement. La lecture et les discussions étaient bannies de mon existence.
Ce qui rendait problématique le maintien de mes fausses identités, c’est que j’étais presque toujours parmi d’autres personnes; je travaillais et je dormais même aux côtés d’autres personnes. Je ne pouvais pas me permettre de me trahir par des bavardages, que ce soit dans mon sommeil ou en éveil. Je craignais que pendant mon sommeil, quelqu’un serait en mesure de découvrir des informations que je ne voulais pas révéler. J’avais toujours peur qu’un jour, quelqu’un veuille me questionner, ou que quelque chose survienne qui aurait pour effet de me démasquer.
J’en avais assez d’être quelqu’un d’autre. J’étais fatigué de dissimuler tant de choses et de toujours m’attendre à être découvert. Je voulais retrouver ma propre identité.
Morris Schnitzer est né en Allemagne en 1922. En 1947, il a immigré à Montréal, où il a obtenu un baccalauréat et une maîtrise en sciences de l’Université McGill, obtenant ensuite son doctorat en 1955. Morris a travaillé pour Agriculture Canada à Ottawa; il a remporté le prestigieux prix Wolf d’agriculture en 1995, en plus d’être l’auteur de trois ouvrages et de plus de 400 articles scientifiques tout au long de sa carrière exceptionnelle. Morris Schnitzer est décédé en 2020.
Dans ce nouveau mémoire bouleversant, découvrez le journal personnel d’un survivant de l’Holocauste, qui dépeint la vie en captivité durant la Seconde Guerre mondiale.
L’histoire commence au cours de l’été 1944, alors que Leslie Fazekas et sa famille sont menacés d’être déportés de leur ville natale de Debrecen, en Hongrie, un pays alors sous occupation nazie. Envoyés à Vienne, en Autriche, pour y faire des travaux forcés, ce n’est qu’après la guerre qu’ils découvrent que près de la moitié des trains à bestiaux quittant leur ville natale étaient destinés à Auschwitz. Grâce au sort et à la chance, leurs vies ont été épargnées, et dans les conditions accablantes de leur captivité, Leslie n’a manqué aucune occasion de documenter ses expériences dans son journal personnel, aux côtés de lettres magnifiques et bouleversantes adressées à sa petite amie, Judit, dont il avait été séparé à Vienne. Le journal et les lettres d’amour de Leslie sont accompagnés d’un mémoire rédigé après la guerre; ensemble, ces pages dépeignent de manière saisissante l’expérience de la survie d’un homme durant une période extrêmement périlleuse.
« Depuis le moment où nous nous sommes retrouvés dans le ghetto (et même avant, il va sans dire) et jusqu’à aujourd’hui, tu es celle à qui il me suffit de penser pour rendre même les pires tourments plus faciles à endurer. »
Après la guerre, Leslie a retrouvé Judit (Judy), et ils se sont mariés à Budapest en 1949. Leslie est retourné aux études, obtenant un diplôme de génie mécanique de l’Université technique de Budapest. En 1956, Leslie et sa famille ont immigré à Toronto, où il a étudié la programmation informatique à l’Université de Toronto, un domaine dans lequel il travaillera jusqu’à sa retraite en 1988. Leslie et Judy vivent toujours à Toronto.
« In Dreams Together: The Diary of Leslie Fazekas est un récit magnifique et déchirant, qui nous parle de survie et d’espoir pendant une période extrêmement sombre », explique Jody Spiegel, directrice du Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste. « Ce sont des histoires personnelles comme celle de Leslie Fazekas qui donnent vie à l’Histoire, permettant aux lecteurs de comprendre l’énormité de ce qui s’est passé – un récit à la fois. »
Regardez le lancement du mémoire de Leslie ici.
Vous voulez en savoir davantage sur notre Programme des mémoires? Cliquez ici. »