« Chaque survivant de l’Holocauste a une histoire à raconter. Le simple fait de raconter, nous permet de mieux comprendre un monde qui a entièrement disparu. »
– Jody Spiegel, directrice du Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste
Le Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, plus de 40 000 Juifs rescapés de l’Holocauste sont venus s’installer au Canada. Leurs origines, les expériences qu’ils ont vécues, les nouvelles vies qu’ils ont bâties et les familles qu’ils ont fondées font partie intégrante du patrimoine canadien.
Le Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste de la Fondation Azrieli a été créé en 2005 afin de collecter, conserver et partager les mémoires et journaux intimes rédigés par des survivants de l’Holocauste qui ont émigré au Canada. Le Programme rassemble ces témoignages importants et les rend accessibles gratuitement en format imprimé aux organisations œuvrant pour la mémoire de l’Holocauste partout au Canada. Pour le public, les mémoires sont également en vente en ligne. L’intégralité des bénéfices provenant de la vente des mémoires de survivants de l’Holocauste est reversée au Programme afin de soutenir son travail de publication et sa mission pédagogique. Pour tout dire, la raison d’être du Programme est tout à fait unique : partager des histoires de vie qui seraient autrement perdues ou inconnues, contextualiser ces récits et permettre aux Canadiens et Canadiennes de les découvrir.
Partager des histoires de vie qui seraient autrement perdues ou inconnues, contextualiser ces récits et permettre aux Canadiens et Canadiennes de les découvrir.
Les témoignages écrits
Les mémoires publiés par le Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste constituent de puissants témoignages rédigés par des survivants aux récits divers. Les auteurs racontent, dans leurs propres mots et selon leurs impressions personnelles, les expériences qu’ils souhaitent partager.
L’équipe d’éditeurs et chercheurs du Programme vérifie avec soin l’exactitude des faits relatés et propose aux lecteurs du matériel supplémentaire : des glossaires, des introductions rédigées par des experts, ainsi que des cartes. Elle respecte le choix des mots employés par les auteurs pour décrire leurs expériences. Ces mots sont d’une grande importance, puisqu’ils révèlent non seulement la personnalité des auteurs, mais aussi leurs perceptions à titre de témoins des événements de l’Holocauste.
Partager son histoire : quels impacts?
« Je veux […] partager mes souvenirs dans l’espoir que les générations futures n’oublient jamais les horreurs de l’Holocauste, dont je suis un rescapé. Je sais que c’est un devoir envers ceux et celles qui n’ont pas eu la chance de survivre. Ces gens n’avaient commis aucun crime. Ils n’avaient tué personne. Ces jeunes, ces personnes âgées, ces femmes enceintes, ces bébés – que pouvaient-ils avoir fait de mal? Ils sont morts simplement parce qu’ils étaient juifs. Il importe que le monde entier se souvienne du sort qu’ils ont connu pour que leur disparition n’ait pas été en vaine. »
– Felix Opatowski, survivant de l’Holocauste et auteur des mémoires, L’Antichambre de l’enfer
Les livres publiés par le Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste ont un puissant impact sur les survivants eux-mêmes, ainsi que leurs familles et la communauté juive dans son ensemble. Les auteurs ne partagent pas seulement les tragédies vécues et le désespoir né de leurs souffrances et de leur survie. La rédaction de leurs mémoires leur fournit aussi l’occasion de se remémorer de beaux souvenirs d’enfance ainsi que la vie au sein des communautés juives d’Europe avant la guerre. En décrivant ainsi le quotidien et la culture de leurs villages ou de leurs villes d’origines, et en relatant les coutumes et les traditions qui leur sont chères, les auteurs immortalisent un monde qui, autrement, aurait disparu à jamais.
En publiant les récits des survivants, le Programme joue aussi un rôle clé dans la préservation de notre mémoire collective. Le rabbin Pinchas Hirschprung a écrit ses mémoires, The Vale of Tears, en yiddish en 1943-1944; ils ont été traduits et publiés pour la première fois en anglais par le Programme en 2018. En publiant cette traduction, le Programme a permis un regain d’intérêt pour ce rare compte rendu quasi-quotidien de la vie des Juifs durant l’Holocauste, donnant une nouvelle vie à ce livre en le faisant connaître auprès d’un nouveau lectorat. Le rabbin Hirschprung était un spécialiste de la Torah et du Tamuld de renommée internationale, et son témoignage fait la lumière sur la vie d’un rabbin orthodoxe fuyant les persécutions.
Dans leurs mémoires, les auteurs nous confient également les épreuves qu’ils ont vécues après la guerre, comme orphelins, réfugiés ou personnes déplacées. Ils y expriment l’angoisse éprouvée lors de l’attente du retour de leurs familles, les joies des retrouvailles, la douleur causée par la perte des êtres chers, mais aussi l’ardent désir de bâtir une nouvelle vie.
Les mémoires invitent le lecteur à engager une réflexion à la fois approfondie et éclairée sur les événements complexes de l’Holocauste et à établir des liens porteurs de sens avec les témoins canadiens qui l’ont vécu. Aujourd’hui, les questions relatives à l’immigration et aux réfugiés demeurent d’une grande pertinence, et les récits de survivants de l’Holocauste nous permettent de mieux comprendre la dimension humaine de ces expériences. D’ailleurs, grâce à la mission pédagogique du Programme, les mémoires suscitent un grand intérêt auprès des étudiants canadiens et au sein du monde universitaire. La lecture des récits permet aux étudiants de tisser des liens avec les auteurs, et de les percevoir comme des individus auprès de qui ils peuvent apprendre et échanger. L’expérience s’avère aussi très gratifiante pour les auteurs, puisqu’ils ont l’occasion de partager leurs récits avec une nouvelle génération, et ce, en sachant que leurs témoignages seront entendus. Certains des ouvrages, comme Les mots enfouis : le journal de Molly Applebaum, ont également eu un impact dans le monde universitaire. En effet, à travers les contextes, les époques et les lieux qu’ils mettent en lumière, les mémoires peuvent mener à de nouvelles avenues de recherche. Au cours de la dernière année, les mémoires de Molly Applebaum ont donné lieu à la création d’une conférence à Toronto, d’un atelier à Montréal, ainsi qu’à des publications scientifiques présentées en France et en Californie.
Le Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste se penche sur la dimension humaine de l’histoire. Les auteurs sont plus que des survivants. Il s’agit avant tout d’êtres humains, aux personnalités distinctes, grâce auxquels nous pouvons connaître et apprendre beaucoup sur la vie avant, pendant et après l’Holocauste.