Écrit par Kristy Strauss
La grossesse pour autrui constitue un geste extraordinaire de générosité, d’amour et de résilience, qui donne de l’espoir à ceux et celles qui rêvent d’avoir un enfant. C’est un cheminement unique, lors duquel chaque mère porteuse a ses propres expériences à partir du moment où elle prend la décision fatidique de porter l’enfant de quelqu’un d’autre. Alors que certaines mères porteuses trouvent un sens et de la joie dans ce rôle, elles peuvent aussi être confrontées à des tensions dans leur relation avec leurs parents ou leur propre conjoint.e, ou avoir du mal à faire valoir leur point de vue en ce qui concerne les interventions médicales. Certaines mères porteuses doivent consacrer des années à construire une relation avec les parents d’intention, suivre un traitement hormonal et être soumises à un suivi médical intense et ce, pour des grossesses qui pourraient ne pas résulter en une naissance vivante. Peuvent-elles même se qualifier de mères porteuses?
L’expérience de la grossesse pour autrui est devenue hautement variée et nuancée, mais cette réalité n’est pas adéquatement reflétée par la littérature des sciences sociales. La plupart des chercheurs se concentrent sur la chosification, c’est-à-dire l’idée selon laquelle le corps des femmes est commercialisé, ou sur l’altruisme, en ce sens que les mères porteuses ne sont pas financièrement indemnisées au-delà du remboursement de leurs frais médicaux.
Orit Chorowicz Bar-Am propose une nouvelle approche pour comprendre le phénomène. Doctorante et boursière Azrieli au sein du Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Ben-Gourion du Néguev, elle fait valoir les perspectives des mères porteuses israéliennes pour explorer les problématiques qui ne correspondent pas strictement aux notions de chosification ou d’altruisme. Par exemple, elle se penche sur les expériences des femmes dans le processus extrêmement médicalisé de la grossesse pour autrui, ainsi que sur les défis résultant de grossesses infructueuses ou de l’incapacité de tomber enceinte.
Chorowicz Bar-Am privilégie une approche narrative. « Je suis à l’écoute des mères porteuses. J’écoute leurs expériences subjectives afin de les analyser », explique-t-elle. « Je n’ai pas recours à un cadre théorique pour déterminer si elles sont altruistes ou si elles sont chosifiées ou exploitées. Ce n’est pas le langage que j’emploie. »
Dans son plus récent article scientifique, elle s’intéresse aux femmes qui ont eu une expérience de mères porteuses incomplètes, en ce sens qu’elles ont suivi les démarches d’approbation, qu’elles sont entrées en contact avec les parents d’intention et qu’elles ont complété les procédures médicales nécessaires à une grossesse, mais elles ne sont pas parvenues à concevoir ou à porter un bébé. En mettant de l’avant leurs voix et leurs récits, son article propose une nouvelle définition du terme de mère porteuse.
« La définition la plus simple et populaire d’une mère porteuse », précise-t-elle, « est qu’il s’agit d’une femme qui porte et accouche d’un enfant pour autrui, mais ce ne sont pas toutes les femmes qui portent et accouchent. » Selon elle, une mère porteuse devrait plutôt être définie comme une femme qui s’efforce de porter et d’accoucher d’un bébé pour autrui. « Je veux que les gens commencent à employer ma définition, selon laquelle ces femmes essaient d’aider autrui, essaient de porter et d’accoucher, plutôt que d’évaluer une femme en fonction des résultats produits par son utérus ou de ses capacités reproductrices. »
Lire la suite dans le prochain numéro du magazine Aperio ce printemps.
(Photo : Shauli Lendner)
