La musique de Keiko Devaux est une exploration du son, de la mémoire et de l’identité – un croisement entre son passé, son présent et le monde qui l’entoure.
Cette compositrice canadienne s’est taillé une place dans la musique classique contemporaine grâce à sa capacité unique à allier tradition et modernité. Avec sa composition primée Arras, Devaux s’impose comme une pionnière, et son parcours vers la lumière offre un aperçu de la passion et du dévouement qui animent son art.
Élevée dans la campagne à l’extérieur de Nelson, Colombie-Britannique, Devaux a grandi dans une richesse culturelle qui a façonné son identité, influencée par à une mère canado-japonaise et un père français. Dès son plus jeune âge, elle développe une affinité naturelle pour le son, une passion qui commence par des cours de piano à l’âge de cinq ans. En grandissant, ses goûts musicaux évoluent. Dans les années 2000, elle est active sur la scène indie rock canadienne, jouant dans des groupes comme The Acorn et Adam and the Amethysts.
Cependant, c’est dans le domaine de la composition que Devaux trouve véritablement sa voie. Après avoir obtenu une maîtrise en composition instrumentale, puis un doctorat en musique à l’Université de Montréal, elle se plonge dans la complexité de la création musicale, cherchant à exprimer à la fois son histoire personnelle et sa vision artistique plus large. En 2019, elle reçoit la toute première Commande Azrieli de musique canadienne, l’un des Prix Azrieli de musique, la plus importante distinction du genre au Canada. Ce prix marque le début d’un parcours qui aboutira à sa composition primée, Arras.
Arras s’inspire des chants traditionnels de sa famille et des sons de son enfance, imprégnés d’un lien profond avec la nature et la mémoire. « Quels étaient les chants que nous écoutions, les chansons traditionnelles de mon héritage ? J’ai simplement commencé à capter des sons et à établir des liens », confie-t-elle. « En tant que compositeurs, nous ne partons jamais de zéro. Nous débutons avec ce qui a été implanté dans notre mémoire tout au long de notre vie. »
Cette connexion intime avec le son est au cœur du travail de Devaux. Elle se décrit comme absolument fascinée par le son sous toutes ses formes, explorant sans cesse de nouvelles façons de susciter l’émotion et le sens à travers celui-ci. « Si j’entends un son que j’aime, cela m’inspire à développer une pièce », dit-elle. « J’adore explorer le son sous différents angles. » Qu’il s’agisse des motifs rythmiques des métiers à tisser anciens, du chant des oiseaux ou du bourdonnement des insectes, les compositions de Devaux sont façonnées par le monde qui l’entoure.
Dans Arras, son exploration du son prend une dimension éthérée. Elle travaille le son acoustique à l’aide d’outils numériques avant de le réintroduire dans la notation musicale traditionnelle. La pièce est une riche tapisserie reflétant à la fois son héritage japonais et français. « D’une certaine manière, le Canada est comme une tapisserie », explique-t-elle. « Nous sommes faits de textures différentes, d’histoires variées. C’est ce qui fait notre beauté. »
Le parcours de Devaux dans la composition musicale prend un tournant décisif avec la Commande Azrieli de musique canadienne. Ce prix biennal est l’une des distinctions les plus prestigieuses pour les compositeurs au Canada, offrant une dotation totale de 200 000 $, dont une bourse de 50 000 $ destinée au compositeur lauréat. Pour Devaux, ce soutien lui permet de se consacrer pleinement à son travail créatif, sans la pression financière. « Lorsqu’on est correctement rémunéré, on peut faire de grands pas en avant », dit-elle. « On peut se reposer. Aller dans un musée. Laisser les idées mûrir. »
Le Prix Azrieli lui offre le temps et l’espace nécessaires pour peaufiner Arras avec soin et précision. « Ce fut une expérience vraiment magnifique », confie-t-elle en repensant au processus de création de l’œuvre. « J’avais l’impression d’être dans les conditions idéales pour créer une pièce unique et mémorable. » Le résultat est une composition qui, après sa première mondiale, a été jouée à de nombreuses reprises sur la scène internationale. L’enregistrement d’Arras chez Analekta remporte le prix JUNO 2022 de la Composition classique de l’année, le premier de Devaux. Cette récompense, ainsi que bien d’autres qui ont suivi sa victoire aux Prix Azrieli de musique, témoignent non seulement de la maîtrise technique et musicale qu’elle insuffle à son travail, mais aussi du professionnalisme avec lequel elle mène sa carrière.
Jason van Eyk, directeur général du Centre de musique, d’arts et de culture Azrieli et principal organisateur des Prix Azrieli de musique, salue la contribution de Devaux à la musique canadienne. « Notre jury n’aurait pas pu choisir une meilleure compositrice que Keiko pour remporter la première Commande canadienne. La profondeur et la minutie avec lesquelles elle explore la complexité de l’identité canadienne illustrent un principe fondamental des Prix Azrieli de musique : favoriser la compréhension interculturelle à travers la musique », déclare-t-il. « Mais ce n’est pas tout. Le processus créatif intense de Keiko et la manière dont elle conjugue profondeur émotionnelle et richesse culturelle avec une maîtrise impressionnante sont une véritable source d’inspiration. »
Au-delà de la musique, le parcours de Devaux met en lumière la place des femmes dans les arts. En tant que première lauréate de la Commande Azrieli de musique canadienne, elle reconnaît les défis auxquels les compositrices sont confrontées pour être reconnues et valorisées. « Il est difficile pour les femmes de se projeter dans l’histoire des prix, un domaine qui n’a véritablement commencé à évoluer que depuis une dizaine d’années », observe-t-elle. Mais Devaux reste optimiste quant aux changements à venir et encourage les autres femmes à postuler pour des prix et distinctions sans hésitation. « On apprend aux autres à nous prendre au sérieux par ce à quoi on postule », dit-elle. « Et par ce que l’on gagne. »
Le parcours de Devaux est un témoignage de persévérance, de passion et d’une foi inébranlable dans le pouvoir de la musique. Alors que ses compositions continuent de résonner à l’échelle nationale et internationale – notamment lors d’une récente performance au Japon – il est évident que Keiko Devaux, qui est aussi une jeune maman, restera un nom incontournable de l’innovation et de l’excellence dans l’univers de la musique classique contemporaine.
Pour plus d’informations sur les Prix Azrieli de musique, visitez le site de la Fondation Azrieli – PAM.
